Des précisions sur le caractère « commercial » de la rupture de relations commerciales établies

La Cour de cassation vient de décider que l’activité de conseil en propriété intellectuelle, activité civile par nature, n’est pas une activité commerciale. Un conseil en propriété intellectuelle ne peut donc se prévaloir des dispositions de l’article L.442-6 I 5° du Code de commerce relatives à la rupture brutale des relations commerciales établies (Com. 3 avril 2013, n°12-17905).

Dans cette affaire récente, la société des Galeries Lafayette était opposée à un cabinet de conseil en propriété intellectuelle suite à la rupture du contrat de prestations qui les liaient. Les Galeries Lafayette avaient délégué pendant plusieurs années la gestion de leur portefeuille de marques et de noms de domaine à un cabinet de conseil en propriété industrielle avant de changer de prestataire courant 2008.

Considérant cette rupture comme abusive, le cabinet évincé a fait assigner les Galeries Lafayette en paiement de dommages et intérêts en vue de réparer son préjudice économique et moral, sur le fondement de la rupture de relations commerciales établies. Débouté en appel, dans un arrêt du 14 mars 2012 (Paris, 14 mars 2012, RG 10/15338), le cabinet de conseil s’est pourvu en cassation.

La rupture de relations commerciales établies exige la réunion de 3 éléments : une relation commerciale, une relation établie et enfin une relation brutalement rompue.Le débat entre les parties portait sur le premier critère, celui d’une relation commerciale. Un cabinet de conseil en propriété intellectuelle peut-il se prévaloir du caractère commercial de son activité ? Ou, en d’autres termes qu’entend-on par une relation dite « commerciale » ?

Le cabinet a argué que la relation contractuelle engagée avec la société est nécessairement constitutive d’une relation commerciale dans la mesure où l’activité était exercée sous la forme d’une société commerciale (une SAS), et donc que les actes accomplis avec la société des Galeries Lafayette sont présumés être des actes de commerce par la forme. Il en résultait que la relation était nécessairement de nature commerciale.

La société des Galeries Lafayette affirmait quant à elle l'absence du caractère commercial de la relation en invoquant l’article L 422-12 du Code de la propriété intellectuelle selon lequel la profession de conseil en propriété intellectuelle « est incompatible avec toute activité de caractère commercial, qu'elle soit exercée directement ou par personne interposée. »

Tant en appel qu’en cassation, les juridictions ont retenu qu’il n’était pas possible de restreindre la nature de l’activité des relations à la forme sous laquelle cette activité était exercée.

C’est ainsi que, dans son arrêt du 3 avril 2013, la Cour de cassation en a conclu que l’activité de conseil en propriété industrielle n’était pas une activité commerciale et que les dispositions relatives à la rupture brutale des relations commerciales ne lui étaient pas applicables.Alors que le nombre de décisions fondées sur la rupture de relations commerciales établies est important, la question de la nature commerciale de la relation fait l’objet de débats moins fréquents. La récente décision de la Cour de cassation est digne d’intérêt dans la mesure où elle vient préciser cette notion de relation « commerciale ». Elle s’inscrit dans un courant jurisprudentiel qui avait déjà statué dans le même sens pour des professions libérales, telles que des professionnels de santé (Com. 23 oct. 2007, n°06-16774) ou des notaires (Com. 20 janv. 2009, n°07-17556).